L'ART DE LA SIMPLICITÉ
Il y a deux ans à peine, Raphaël Loubaton a créé l’Atelier Rulinen. Il a troqué son costume d’ingénieur-commercial pour celui d’ébéniste. Un art de la simplicité pour une vie personnelle plus authentique, pour des créations contemporaines sans vis ni colle. Et un talent déjà primé.
En cette fin journée de juillet, on s’assoit, à l’ombre, le dos au mur de son atelier avec, pour panorama, une vue sur le relief vallonné de Camlez. Un t-shirt, un pantalon de travail, des chaussures de sécurité : le dress-code de la nouvelle vie de Raphaël, l’artisan-ébéniste. Il rit. Il semble bien loin celui qui affichait le style casual chic du directeur commercial d’une entreprise de design parisien haut de gamme. « Il y a cinq ans, nous avons eu un coup de cœur pour une maison ici, raconte- t-il. Elle devait être une résidence secondaire, elle est vite devenue principale. J’ai quitté mon emploi sans projet précis, l’avantage de la rupture conventionnelle française qui offre un filet de sécurité ».
Faire quelque chose de ses mains.
Il laisse derrière lui une vie centrée sur le travail, quasiment pas de loisirs : « j’ai fait une overdose ! ». Son ambition : faire quelque chose de ses mains. Il explore plusieurs pistes, des massages au travail du bois en passant par sa passion, la cuisine. Le bois l’emporte, sans doute motivé par son inclination pour le bricolage et son diplôme d’ingénieur production et logistique des métiers du bois. « Je pensais que mon diplôme suffisait pour monter une entreprise, s’amuse-t-il encore. Mais la chambre des métiers m’a demandé de passer un CAP. Quitte à apprendre, j’ai opté pour l’ébénisterie qui aborde l’artistique et l’histoire de l’art». C’est en faisant des stages qu’il détermine ce qu’il veut produire : du design contemporain. « Au cours d’un stage dans une entreprise qui partageait un atelier, j’ai trouvé ce que je voulais : des gens avec qui partager, profiter des expériences des uns et des autres, échanger, parler... et rigoler ! ».
Atelier mutualisé.
Il entre dans un collectif déjà existant à Paimpol. « À six mois de la fin de mes allocations chômage, il fallait que je me dégage un salaire assez rapidement. Cela supposait faire mes premiers dessins, sortir mes premiers meubles ». Il commence alors une collaboration avec une autre ébéniste du collectif avec laquelle il partage aujourd’hui son atelier à Camlez. Mu- tualisation du lieu et des outils, la remise stocke les plateaux de frêne olivier, de chêne rouge etautres essences utilisés par Raphaël. L’occasion de disserter sur la pénurie et l’envolée des prix. Le jeune homme conte ses réalisations, disserte sur l’artistique mais garde un œil attentif sur l’équilibre économique de chacun des projets. Son job d’hier n’est pas si loin. Mais ce qu’il aime avant tout ce sont les rencontres. « Je dois trouver les mots, le vocabulaire pour comprendre ce que veulent mes clients. Dans un projet sur deux, je découvre des univers esthétiques surprenants ». Explorer de nouveaux chemins fait émerger, chez le jeune artisan, des questions. Comme de savoir s’il veut être connu pour ce qu’il fait ou ce qu’il peut faire...
Lauréat Ateliers d’Art de France.
« C’est important pour moi d’avoir une proposition où l’œuvre est démocratique». Il a trouvé une clientèle locale, issue des rencontres qu’il a pu faire depuis son arrivée, notamment dans de nom- breux salons d’artisanat d’art. « Je voulais autre chose que les grands salons dont j’avais l’habitude dans mon ancienne vie, mon am- bition était de m’inscrire en tant qu’acteur local. Et j’ai été surpris du résultat. Je pense qu’à faire des choses inattendues, tu vis des choses inattendues ». Aujourd’hui son carnet de commandes lui permet d’atteindre son seuil de rentabilité : « l’équilibre des charges, pas encore de salaire... ». Mais Raphaël est déjà lauréat du concours d’Ateliers d’Art de France. Installé au château de Quintin, un de ses meubles représente la Bretagne avec quatorze autres créateurs. Un début plus que prometteur...
atelierrunilen.fr
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