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L’INVITÉE / Manon-Claire Gauthier

Photo du rédacteur: Katell MagazineKatell Magazine

Dernière mise à jour : 7 oct. 2024

« Ces cinq mois de merde m’ont fait tellement de bien »



Manon-Claire Gauthier a été victime d’un AVC, il y a trois ans. Elle avait 26 ans. Elle édite cet automne un livre "Vivre" qui raconte cette expérience et ce qu’elle lui a enseigné. Échange pétillant avec une jeune femme pleine d’humour.

Par Marie-Laure RC. Photos Lou Lecoq, tous droits réservés.


Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

En 2021, le jour de mon 26e anniversaire, j'ai été victime – sans le savoir – d'un accident vasculaire cérébral. J'ai ignoré les signes que je pensais être de la fatigue jusqu'à ce que l'une de mes clientes, médecin à la retraite, tire le signal d'alarme. Je me retrouve aux urgences à Paimpol. S'en suivent trois jours d'hospitalisation à Saint-Brieuc où l'on m'apprend, à la sortie, que j'ai fait un AVC. Puis, trois semaines d'errance et de mauvais diagnostics jusqu'à un malaise qui me conduit à Pontchaillou. L'on m'explique alors que j'ai une hémorragie cérébrale, ce pourquoi je suis aphasique avec, maintenant, une hémiplégie gauche. J'entre en salle d'opération avec une chance sur deux d'en sortir vivante. Et je suis là!


Comment as-tu eu envie d'écrire ce livre  ?      

Ma mère m'a dit qu'il fallait que je suive une thérapie ou que j'écrive cette histoire pour que ça sorte. Je ne voulais pas retourner chez le psy. J'ai senti que c'était le moment de mettre tout ça à plat, ce qui m'a fait un bien fou ! Ce livre a été ma thérapie.


Qu'est-ce que cela t'a procuré  ?

De la fierté d'abord. Fière d'avoir réussi à poser mon histoire sur le papier, avec l’aide d’une biographe. Nous nous sommes vues plusieurs fois «  en cachette  ». Elle a réussi à rester fidèle à celle que je suis, à utiliser mes mots, afin que les personnes qui me connaissent me retrouvent et que celles qui ne me connaissent pas puissent me découvrir telle que je suis. Je voulais aussi témoigner pour tous les autres qui vivent cette expérience.


Qu'as-tu appris de cette épreuve  ?

Beaucoup de choses ! Que ma mère est extraordinaire, même si je le savais déjà. Que j'ai toujours été proche de mes frères, qu'ils aient été là et c'est une p***** de chance  ! Qu'on ne savoure pas assez le fait de pouvoir lire ainsi que toutes les autres capacités du corps. Je ne savais plus rien faire. J'ai dû réapprendre à lire, compter, me laver, faire la vaisselle, utiliser des couverts pour manger, marcher...  J'avais beaucoup de colère et cette épreuve m'a délestée de ce poids. Aujourd'hui, ceux pour qui j'avais de la colère, je m'en fiche et je m'éloigne de ceux qui rendent mon quotidien trop lourd.


Quelles ont été les conséquences pour ton entreprise  ?

Je suis artisane tapissière, en micro-entreprise. Au moment de mon arrêt, j'avais six mois de travail devant moi. Je travaillais 50 à 60 h par semaine. J'ai dû tout stopper pendant huit mois. J'ai eu la chance que mes clients m’aient attendue. Ma rémunération se résumait aux indemnités de la sécurité sociale : 300 € par mois. Pas de quoi couvrir mon loyer. Je n'avais pas d'assurance complémentaire. Qui pense qu'il va lui arriver quelque chose de grave à 26 ans !? Et puis, ces assurances sont super chères ! Je suis donc retournée vivre chez ma mère. De toutes façons, je ne pouvais plus rien faire seule. Mes économies et une cagnotte Litchi, mise en ligne par ma belle-sœur, m’ont permis de tenir. J'ai été très surprise par la générosité des gens... ceux que je connaissais, mais aussi mes clients et de parfaits inconnus. Une personne que je ne connaissais pas a mis 1000 € dans la cagnotte  ! Je n'avais pas beaucoup confiance en moi et je n'aurais jamais pensé que je pouvais être importante pour autant de personnes !


Comment vas-tu aujourd'hui  ?

Aujourd'hui, j'ai tout récupéré, même si je me fatigue toujours plus vite. Il me faudra encore un peu de temps pour retrouver toute mon énergie. Mes priorités ont changé : je ne travaille que quatre jours sur cinq, je me serre un peu plus la ceinture s'il le faut. Ces cinq mois de «merde» m'ont tellement fait de bien. Ils m'ont ouvert les yeux sur la vie et m'ont enseigné qu'il ne fallait pas se plaindre. Ce qui m'importe c'est que j'aille bien, que mon entourage aille bien, que je rigole un max dans mes journées et que je fasse ce que j'aime : aller boire des coups avec mes potes, partir en voyage, lire sur la plage, manger des bulots alors que tout le monde déteste ça ! (rires) 


Quels sont tes projets  ?

La sortie du livre en précommande tout en continuant mon activité d'artisane.


Dans ce livre, il y a l’histoire de la maladie qui met du temps à être identifiée, on a peur pour toi mais on rit aussi beaucoup parce que tu as beaucoup d’humour et une belle dose d’autodérision...

Rires… Ah oui ! C’est tout simplement moi. C’est vrai que, comme je ne pouvais plus communiquer, j’étais un peu « seule dans ma tête », tout a pris des proportions différentes. Le premier séjour hospitalier, je me retrouve dans un service avec des personnes âgées dont une qui ne fait qu’ouvrir et fermer la porte de ma chambre… Impossible de me reposer.

Le chirurgien qui m’a opérée m’a annoncé que j’avais une chance sur deux de survivre. Alors, effectivement, quand, à la porte du bloc, l’infirmier me demande comment je vais, je ne résiste pas à lui dire que dans une heure je serai peut-être morte. En même temps, il n’y était pour rien, je ne pouvais pas lui en vouloir ni être désagréable avec lui.


Tu parles aussi de ta féminité mise à rude épreuve…

Tu fais allusion à la culotte en filet ?


Exactement !

Je pense que d’autres ont vécu ça. D’abord, la douche à la Bétadine. D’emblée je me suis dit que ça allait me bousiller les cheveux ! (rires). Ensuite, j’enfile la blouse pour aller au bloc et comme il faut être nue dessous, je leur annonce - un peu gênée - que j’ai mes règles, et que, donc, je dois garder ma culotte. Et ils m’apportent un slip en filet et une serviette hygiénique immense. Si on ajoute tout ça à la pilosité sur les jambes… ça donne une image de soi assez catastrophique ! Effectivement, j’ai tourné tout ça en dérision… et même si la situation n’avait pas été aussi dramatique, je l’aurais aussi fait…



Précommandes dès le 1er octobre : Vivre : 16 €

Infos : facebook/Vivre : le jour où j’ai appris à vivre

 
 
 

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